Depuis quelques années, quasiment toutes les collectivités se servent des réseaux sociaux pour informer leurs usagers : agenda, programme culturel… quelle ville n’a pas son compte Facebook officiel ? En apparence, c’est plutôt une bonne idée, qui vient du constat que l’usager – citoyen est déjà présent sur ces réseaux, et s’en sert au quotidien. Pourquoi ne pas se servir de ces nouveaux médias, pour être en direct « dans la poche » et favoriser la diffusion de l’information ?
Communiquer sur les réseaux sociaux, un choix loin d’être anodin.
On oublie parfois qu’en y diffusant de l’information, la collectivité donne une légitimité « officielle » à ces plateformes – elle en valide intrinsèquement l’importance. Mais ces plateformes ne sont pas ce qu’on aimerait que l’on croie qu’elles soient !

Nous le savons aujourd’hui, c’est un système qui est loin d’avoir un impact positif, dont la nature toxique est liée à l’exploitation des données, à l’utilisation d’algorithmes d’affichage et d’interactions (les❤️, 👍 et autres) qui génèrent de la dopamine et favorisent les mécanismes d’addiction. Tous les contenus et l’organisation de l’affichage des données des réseaux sociaux sont conçus pour générer cette addiction (qui n’a pas perdu une heure à regarder des vidéos – de chats 🐱 parfaitement inutiles ?) car l’usage et l’engagement sont à la base de leur modèle économique – sans utilisateurs ils ne sont rien, ne valent rien. Et ils n’ont pas d’autre visée que de créer de la valeur pour leurs actionnaires. Pour cela, ils sont amenés à mettre en valeur les émotions négatives (qui engagent plus et font réagir), et finissent par propager une certaine violence en enfermant et en désinformant – les théories du complot y sont très à l’aise ! Cela a été étudié et prouvé, et même leurs créateurs le confirment. On ne pourra pas dire que nous ne savions pas…
Un autre point très important est l’illusion d’efficacité et d’unanimité qu’ils donnent. Non, tout le monde n’est pas sur Facebook ! De plus en plus d’usagers se déconnectent, choisissent de sortir de leur influence, et les jeunes générations préfèrent les réseaux fermés (de type whatsapp) pour communiquer avec leur « tribu ».
Pour ne pas redire ce qui a été dit sur le sujet, je vous invite à parcourir ces articles (cela prendra 10 minutes de votre temps) :
Violence et négativité sur les Réseaux Sociaux: it’s a feature, not a bug | Asoka
Les réseaux sociaux nous poussent à exprimer davantage notre colère et notre méchanceté | Slate.fr
Pour ceux qui aiment les chiffres : quelques statistiques d’usage des Réseaux Sociaux.
Être ou ne pas être sur les réseaux ?
Question personnelle, mais qui dépasse de loin notre périmètre intime, car elle se pose aussi aux collectivités, entreprises, associations : quelle que soit notre réponse, nous sommes d’accord sur le besoin de faire évoluer les réseaux, de les rendre moins nocifs, de « maîtriser » leur impact sur la société. Mais…

Réformer les réseaux sociaux est une tâche quasi impossible. Ils rapportent énormément d’argent à leurs actionnaires. Leurs créateurs ne sont pas inquiétés par les lois, on leur demande tout au plus de justifier quelques pratiques devant les responsables politiques, on leur pose quelques questions, ils ont quelques obligations (taxes – quoique…, un brin de tri sur les informations diffusées). Année après année, ils sont toujours plus tentaculaires, ils s’immiscent dans nos vies sous des apparences sympathiques (on prend des nouvelles des « amis »…). On les considère tellement comme une évidence aujourd’hui qu’on préfère « faire avec » et non « faire autrement ». Par exemple les chambres consulaires proposent des formations « numérique » aux commerçants et artisans, et incitent ouvertement à vendre sur les réseaux sociaux – marketplace instagram, facebook, google… en disant que c’est l’avenir, en préférant ignorer la toxicité du système. D’un autre côté on parle de souveraineté numérique, d’Open Data, de Tech for Good, et on investit des budgets dérisoires dans des solutions complètement décalées par rapport aux usages en voulant contrecarrer Google… et on se demande pourquoi ça ne marche pas ! Finalement on se donne une bonne conscience politique (on aura essayé de faire quelque chose, « mieux que rien »…) mais guère mieux !
Le sujet est éminemment complexe, et si ces quelques lignes vous font réagir (oui, il est un peu trop facile de diaboliser les Géants Affamés Façonnés en Amérique), c’est bien leur objectif !
Prendre conscience des enjeux qui se cachent derrière ces plateformes et leurs usages permet de choisir personnellement quelle place on leur donne, et nos élus et décideurs se doivent d’assumer en connaissance de cause et conséquences des choix pour le bien commun. Dans quelle direction voulons-nous aller ?
L’inaction n’est pas une option.

Une fois que l’on a fait ce constat (qui est celui d’un certain danger et des possibles dérives), on ne peut rester inactif. Il est de notre devoir de chercher des solutions, de réfléchir, de travailler à construire pour demain en apprenant des leçons d’aujourd’hui.
Réfléchir à des alternatives viables, c’est refuser certaines facilités. Cela demande une vision politique forte, une implication de tous les instants et un investissement dans la durée. Beaucoup de collectivités réfléchissent à ce sujet et ont engagé des démarches de transition numérique, et s’impliquent par exemple dans l’OpenData (qui consiste à normer et à partager les données en accès libre pour en faciliter l’impact positif et les usages).
Nous sommes heureux de voir que le sujet est aujourd’hui présent dans tous les agendas, est cela augure de changements à venir. Nous sommes tous concernés et acteurs de ce changement. Et vous ?